lundi 17 février 2014

VENDRE UNE VILLE

Voilà que ça me reprend. Pourtant dix ans ont passé. Je devrais avoir avalé.

On n’en parle d’ailleurs plus. Je le déplore. Les PSMV, vous vous souvenez ? Les Plans de Sauvegarde et de Mise en Valeur des centres anciens. Une idée de Malraux. Enfin, pas tout à fait. Malraux, il voulait des Plans de Sauvegarde. Protéger le patrimoine architectural et culturel. Pour ça, il avait mis en place des incitations fiscales. C’était en 1962, au siècle dernier.

Comme d’habitude, le temps s’est chargé de détricoter les intentions originelles et de transformer une bonne intention en excellente affaire. Au détriment du patrimoine, mais bon, les affaires ne sont pas la culture, vous savez ce que c’est ?

On va pas refaire l’histoire mais rien que l’intitulé : la mise en valeur a été ajoutée. Au départ, il s’agissait d’un Plan de Sauvegarde, et seulement de Sauvegarde. La Mise en Valeur, c’est à dire le moyen de faire du pognon est venu dix ans plus tard.

Pour créer un Plan de Sauvegarde, il faut un architecte responsable ; Bayonne a eu du pot : on avait désigné Pierre Bonnard, architecte en chef des Monuments historiques, fou de patrimoine (je me souviens d’une soirée de travail dans l’abbaye qu’il avait restaurée à Nouaillé), assez fortuné pour ne pas être vénal et ayant épousé une spécialiste de peinture du XVIIIe siècle. Pierre Bonnard se prit de passion pour les escaliers bayonnais et pour le centre ancien. Il s’opposait régulièrement à Henri Grenet, mais il restait inébranlable. Pour lui, Bayonne était une sorte de perfection urbaine qu’il fallait préserver à tout prix.

Naturellement, cette attitude ne convenait pas à tous ceux qui privilégiaient le versant « mise en valeur » et pour qui le mot « défiscalisation » représentait une sorte de Graal.

Le bras de fer a duré près de trente ans. Je l’avais décortiqué, il était plein de trous, notamment juridiques. Pour faire bref, le Plan de Sauvegarde de Pierre Bonnard aurait du être appliqué. Mais on s'était débarrassé de Bonnard pour le remplacer par le calamiteux Alexandre Melissinos. Lui, il avait une obsession : les curetages. Détruire des parties d’immeubles pour les « mettre en valeur ». Ce n’était plus sauvegarder ET mettre en valeur, mais OU. Et donc, les propriétaires anciens apprirent qu’ils allaient perdre quelques centaines de mètres carrés par fait du prince. Ça discutait sévère, vous pouvez me croire.

Or, tout ceci faisait trainer les choses. Le nouveau maire, appelé Fiston, prit donc la décision qui s’imposait : nommer un spécialiste de l’urbanisme pour régler le problème. Que ce spécialiste fut un avocat spécialisé dans les programmes d’investissement immobilier ne gênait personne. On aurait pu hurler au conflit d’intérêt : je fus le seul. Mais, moi, je vois le mal partout.

Et donc, le spécialiste se mit en devoir de faire passer la pilule. Elle est passée en 2009, à la quasi unanimité. C’est qu’il avait bossé le spécialiste, convaincant, omniprésent. Des fois, il faisait modifier le plan pour enlever des curetages l’immeuble d’un opposant trop virulent ou pour conserver ses amis (j’ai les adresses, je vous rassure). C’est important l’amitié.

Entre temps, la loi avait été un peu changée. Ho ! à peine. Pour bénéficier des aides fiscales, il fallait un arrêté d’utilité publique. Et qui signe les arrêtés ? Le Maire.

Et donc, toutes les ficelles aboutissent à la Mairie. Plan adopté, le spécialiste est passé de l’urbanisme à la culture. Pas grave, l’avis des services culturels est requis. Et donc, il garde le pouvoir.

Et voilà comment une large partie de Bayonne a changé de mains. Les investisseurs se bousculent, les propriétaires anciens ne peuvent plus suivre. La ville est à vendre. Surtout aux riches : eux, ont besoin de défiscaliser et ont l’habitude de s’entourer d’une batterie d’avocats.

Mais les autres élus ? Bof. Le PS a suivi, le chef est avocate et ne peut imaginer un confrère ex-bâtonnier ne pensant pas au bien public comme elle. En plus, dans son groupe, elle avait des copains de l’avocat spécialisé. La conviction l’emporte toujours. Les autres, j’en connais un paquet, un dossier aussi complexe (trente ans de travail avec des régimes juridiques différents) des données patrimoniales, historiques et même géologiques, ils se sont pas emmerdés. Ils ont voté. Vieille règle : complique les faits, ça simplifie les votes.

Et aujourd’hui, le coupable se présente aux élections en excipant d’un patrimoine qu’il a dévalué, d’une culture qu’il ignore et en se posant en protecteur d’une ville qu’il aura plus que bien d’autres contribué à détruire. Faut le faire ! Faut oser ! Remarque, depuis Audiard, on sait quoi penser de ceux qui osent tout.


Pierre Bonnard était farouchement opposé aux curetages. Il expliquait que Bayonne étant construit sur des marnes plastiques, le sous-sol compressé par le poids des bâtiments allait se décompresser quand on détruirait. Sauf que personne ne peut prévoir comment s’effectuera cette décompression qui entrainera des désordres, mais pas nécessairement sur l’immeuble mitoyen. En clair, cureter le n°8 d’une rue peut provoquer des fissures au 18 ou au 24. Ou au 9. Le lien de cause à effet ne pouvant être prouvé, pas d’assurances. Ce risque de dégradation, tout le monde s’en fout. A commencer par les investisseurs qui ont pris leur bénéfice en défiscalisant.

Le PSMV, c’était vendre pour ne pas détruire. He bè ! y’aura les deux. Et on se demande pourquoi je l’aime pas, l’avocat…..

dimanche 2 février 2014

LES JOIES DE LA PROVINCE

Plus de dix ans que je suis parti. Mais je continue à suivre la situation politique. Ça me remplit de joie. A chaque élection, je me demande si ça va être pire…..Je ne suis jamais déçu : c’est pire.

Chez moi, c’est la terre de la garbure, de la piperade et du marmitako. Cuisine de meusclagne. Tu mets de tout, tu mélanges, tu touilles, il en sort toujours quelque chose.

Le jeune calife (enfin, jeune, faut le dire vite) qui avait succédé au vieux calife se retire. Il en a marre. Il avait succédé à Papa parce que Papa l’avait mis là. Le deuil étant enfin fait, il s’en va. J’ai toujours eu le sentiment que la politique l’emmerdait. Mais bon, faut ce qu’il faut, permettre aux récifs de s’enfoncer dans la vase, laisser le temps éroder ce qui pouvait gêner. C’est fait, il se tire.

Et donc appel d’air. Le Calife était à droite. Un coup dans un parti, un coup dans un autre, parfois deux en même temps. Si, si, un temps, il était maire investi par le RPR et député investi par l’UDF. La politique n’est intéressante qu’avec deux cuillères. Qui sera calife à la place du calife ?

Là bas, Iznogoud, il s’appelle JR, l’avocat retors qui croit que Briscous, c’est Dallas. Le califat, il en rêve, comme rêve le croyant d’Achille Zo (sauf les houris, c’est pas son truc l’odalisque, il a un côté coincé, Pépère). Il sait que c’est pas gagné, les Roses guettent. Alors, il a fait son marmitako. Façon Dallas, sans panache, sans classe. Il a ramassé tout ce qu’il pouvait au fond de la cale du bateau pour le jeter dans la marmite.

Jérôme, par exemple. Gentil, Jérôme. Ancien socialiste. Ancien adversaire surtout. Il y a quelques élections, Jérôme était l’adversaire de JR, il l’a même joliment dosé. Mais Jérôme a quitté le PS qui ne l’a pas choisi pour des postes plus brillants, alors JR l’a récupéré en oubliant les campagnes passées, les injures parfois. Il est démocrate-chrétien, JR, il sait pardonner, tendre l’autre joue.

Yves. Lui, je l’ai toujours appelé la Voix de son Maître. Journaliste du vieux Calife qu’il savait interviewer avec une obséquiosité confondante. Yves, il a la dent dure avec les faibles. Avec les puissants, la colonne vertébrale s’adapte. Viré par le jeune calife, il l’a combattu et vu que JR était le lieutenant du jeune calife, il n’avait pas de mots assez durs. Oubliés les mots, oubliée l’opposition, embrassons nous Folleville !!!!!

Martine… A gauche toute. Juge prudhommale, versant salarié. Compagne de route du PS qui ne lui pas déroulé le tapis rose…Partie chez les Verts, séduite par l’électorat basque….pour finir adjointe d’un maire UMP. A la voir, on l’imagine pas capable de telles contorsions. He bé oui !! Comme quoi… Elle l’a dit, Martine : y’a que les imbéciles qui changent pas d’avis. Doit pas être bête, vu que le changement avec elle, c’est tous les jours. Pour faire bon poids, elle est venue avec son copain Bernard, ancien Vert lui aussi. Comme quoi….

JR, il est à l’UDI vu que Bayrou qui fut son mentor avait du plomb dans l’aile. Borloo, ça lui paraissait plus fiable pour l’avenir. C’est un homme de parapluie. Et de langage. Voilà des années qu’il se proclame homme de culture. Peut être. Mais pas de patrimoine. Le patrimoine, ça fait pas le poids face aux contingences de la vie moderne. Après avoir concocté un Plan de Sauvegarde qui livre Bayonne aux promoteurs et aux défiscalisateurs, après avoir fait tout ce qu’il pouvait pour ne pas respecter le testament de Léon Bonnat et que les Musées Nationaux récupèrent un musée qui appartenait à tous les Bayonnais, il continue. Il a lu Foucault : les mots, c’est pas les choses.

En face, la gauche se marre. Ce regroupement pathétique ne ressemble à rien d’autre qu’à un groupe de prédateurs oubliant toute leur histoire pour se partager les dépouilles du Vieux. On se situe à droite par habitude. JR, il s’affirme UDI investi par l’UMP, mais il engrange tout ce qu’il peut : es défroqués du socialisme, les petits basquisants, les anciens écologistes. On sent bien comment il fait sa liste : 1% à prendre ici, 2% à récupérer là… Sûr qu’il va en récupérer. Mais combien en perdra t’il ?

Parce que l’avantage des petites villes, c’est que tout le monde sait tout. Pas la peine de faire une communication compliquée. Ça ne sert à rien. Moi, citoyen lambda, je regarde sa meusclagne et je me dis : « Ils ont vraiment pas honte ».

Ils arrivent tous avec leur gamelle pour aller à la soupe. Oubliant toutefois que gamelle a plusieurs sens. Ils pourraient bien la prendre avant de la remplir.